cent ans de solitude...

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cent ans de solitude...
    "Bien des années plus tard, face au peloton d'exécution, le colonel Aureliano Buendia devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l'emmena faire connaissance avec la glace. Macondo était alors un village d'une vingtaine de maisons en glaise et en roseaux, construites au bord d'une rivière dont les eaux diaphanes roulaient sur un lit de pierres polies, blanches, énormes comme des oeufs préhistoriques. Le monde était si récent que beaucoup de choses n'avaient pas encore de nom et pour les mentionner, il fallait les montrer du doigt. Tous les ans, au mois de mars, une famille de gitans déguenillés plantait sa tente près du village et, dans un grand tintamarre de fifres et de tambourins, faisait part des nouvelles inventions. Ils commencèrent par apporter l'aimant. Un gros gitan à la barbe broussailleuse et aux mains de moineaux, qui répondait au nom de Melquiades, fit en public une truculente démonstration de ce que lui-même appelait la huitième merveille des savants alchimistes de Macédoine. Il passa de maison en maison, traînant après lui deux lingots de métal, et tout le monde fut saisi de terreur à voir les chaudrons, les poêles, les tenailles et les chaufferettes tomber tout seuls de la place où ils étaient, le bois craquer à cause des clous et des vis qui essayaient désespérement de s'en arracher, et même les objets perdus depuis longtemps apparaissaient là où on les avait le plus cherchés, et se traînaient en débandade turbulente derrière les fers magiques de Melquiades. "Les choses ont une vie bien à elles, clamait le gitan avec un accent guttural; il faut réveiller leur âme, toute la question est là."  ...

 

Cent ans de solitude. (la première page) Gabriel Garcia-Marquez.

traduction de l'espagnol par Claude et Carmen Durand.    éditions du Seuil 1968

 

cent ans de solitude...

Le plus célèbre des écrivains latino-américains s'est éteint à 87 ans.

La mort de l’écrivain colombien Gabriel García Márquez, 87 ans, prix Nobel 1982, est celle d’un symbole littéraire et politique, véritable pop star du rêve et du drame latino-américains des années 1960. C’est aussi celle d’un homme devenu l’ami et le fidèle soutien d’un maître abusif des rêves égalitaires et des illusions perdues, le dictateur Fidel Castro. Son plus célèbre roman, Cent ans de solitude, paru en mai 1967, le jour même où sortait le «Sergent Peppers» des Beatles, allait marquer une langue et une époque. Le romancier exportait la vie d’un continent et définissait avec d’autres, ceux qu’on appela les écrivains du «boom» latino-américain, les contours d’un nouvel imaginaire. «Dans les bonnes consciences de l’Europe, et aussi parfois dans les mauvaises, a fait irruption avec plus de force que jamais l’actualité fantasmatique de l’Amérique latine, cette immense patrie d’hommes hallucinés et de femmes entrées dans l’histoire, dont l’obstination infinie se confond avec la légende», disait-il à Stockholm en recevant son prix.

extrait de l'article de Philippe Lançon, la suite ici: Libération

(photo Reuters)

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